3 février 2011

Retrouver un chemin


La suite de l'UTMB (ou UTMBis) fut compliquée, très compliquée. A la fois l'envie qui n'était plus là, la vie qui s'emballait, les repères qui devaient changer, puis non. Des bouleversements, des hésitations, des refus de sauter l'obstacle, les rimayes que l'on voyaient comme un trait du fond de la vallée s'avéraient bien plus compliquées à franchir que prévu. Après de longs efforts il fallut rebrousser chemin. Cette nouvelle course fut parsemée d’embûches que je n'ai pas su gérer. La forme fut là un temps, les suites positives de l'UTMB d'abord, me mentir un peu ensuite me firent tenir jusqu'à la Toussaint où, dans les Écrins, ce fut plus l'adrénaline et d'autres substances endogènes qui préservèrent l'illusion quelques temps encore.

Novembre, le dernier mois avant la SaintéLyon ne fut pas celui de la sérénité nécessaire. Choisir son objectif, s'y tenir, s'en donner les moyens, evaluer chaque geste au regard de l'objectif doit etre le fil d'Ariane vers sa victoire et ses ambitions. Je ne sus le faire, j'ai basculé du mauvais côté alors que j'avais de l'or dans les mains.

J'abordais la SaintéLyon la peur au ventre en sachant d'avance que tout cela s'écroulait sous mes pas. Après trente kilomètres et malgré le soutien des proches par moins dix degrés et avec des problèmes de tendons je dus renoncer. Sainte Catherine comme en 2008 marqua cet échec. Je ne la ferai plus, cette course est trop dure elle n'est pas faite pour moi, trop roulante, incourable en montée à cause de mes grosses fesses, incourable en descente à cause des bitumeux qui ne savent pas. Je n'irai plus. J'aiderai mes potes d'Extra sur l'orga et ce sera bien suffisant.

Décembre fut tout autant tumultueux, ne voyant pas que c'était déjà détruit je fis semblant de contenir me mentant encore une fois. J'attaquais les vacances de Noël avec la conviction que l'objectif était encore à portée de main. Je ne voyais pas la fragilité de l'édifice et profitant d'un poids très bas je fis quelques courses de ski-alpinisme sans voir que la forme n'était décidemment pas là. Janvier est toujours le mois de la relâche, les voeux se succèdent à eux mêmes, les amis oubliés d'un an réapparaissent et avec eux les kilos, 3 ou 4 en un mois, un par semaine 1000kcal en trop par jour pour un tiers en alcool.

Le 13 janvier traditionnelement je m'inscris à l'hivernale des coursières, couché à 4h du matin, le résultat fut à la hauteur, j'abandonnais après 12km et à 5km de l'arrivée. Deux abandons en un mois, j'ai abandonné seulement trois fois dans ma courte carrière de traileur et là deux coup sur coup. Le 20 janvier avec la dream team et le coach je pars sur le 23km du Raidlight Trail Trophy, la première et la seule faite tous les ans depuis mes débuts en 2007, Je sais le matin que la forme n'y est pas, je sais que ce qui fut un temps possible ne l'est plus, que ce qui se dessina en septembre est définitivement enterré. Je sais ce matin glacé de janvier (-10°C) en prenant ce départ, que tout est par terre, que tout est à refaire, à réinventer, à reconstruire. Qu'il me faudra du temps, que j'ai gaché une chance de m'élever. Je sais aussi que je ne finirai pas ce 23km. Alors j'agis, au fond, tout au fond, dans le noir, j'agis. Je suis parti gentiment avec Laurence en sachant que je basculerai sur le 13km. Changer d'objectif voilà comment s'en sortir. Je tente d'oublier les rêves d'automne pour s'accrocher à ces habitudes retrouvées, à ces gestes connus, à ces jours d'été du côté du Mont Blanc qui font rêver la planète trail et auxquels j'ai l'honneur d'etre qualifiés et la chance de participer. Je retrouve ces stragégies de courses savamment éléborées qui ne m'amèneront jamais sur un podium mais à ma victoire. Alors je m'accroche pendant 5km. Laurence me lâche dans la montée vers le sommet de la course. La haut, tout là haut, à mi-course, je fais ce qui me caractérise habituellement, j'accélère, déterminé à doubler du monde et n'accepter en aucun cas la réciproque. La course touche à sa fin je lutte sur le denier kilomètre pour me défaire des quatres coureurs devant moi. Je passe la ligne, la ligne, cette ligne blanche au sol que je n'avais pas vue depuis octobre, cette ligne qui marque l'arrivée. Cette ligne qui doit marquer une reconquète, cette ligne je m'y accroche, elle arrive en même temps que la validation de mon inscription à l'ultra trail du Mont Blanc. Cette ligne d'arrivée sera comme en 2007 ma ligne de départ.